Le vitrail de la Passion — La Cène (5)

Il est malaisé, poursuit André Philippe, de préciser le sens dans lequel se déroule la suite des scènes. Nous ignorons en effet dans quel état se trouvait le vitrail avant sa restauration et quelle a été la part d’invention chez l’artiste qui a exécuté le travail. Quoi qu’il en soit, nous serions étonnés que l’erreur commise relativement à la place aujourd’hui assignée à l’Ascension (André Philippe parle toujours au moment où il a vu le vitrail en 1930) fût imputable au verrier du XIIIème siècle ; d’autre part, certains morceaux modernes bouleversent, par leur plac, l’ordre logique généralement observé dans les vitraux du même genre, et empêchent de dire si la verrière devait se lire de gauche à droite dans chaque registre, ou alternativement de gauche à droite et de droite à gauche.

 

La Passion est un sujet qui a été fréquemment traité par les peintres verriers du Moyen-Âge.

 

Pour la description du vitrail, nous le diviserons en cinq groupes ; de bas en haut, nous étudierons d’abord dans chaque groupe, le médaillon central, et nous ne tiendrons compte que des parties anciennes.

 

Premier groupe — La Cène.

 

La-Ce-ne.jpg

Médaillon encrassé

 

L’artiste a représenté le Christ et huit de ses disciples. La table occupe presque toute la largeur du médaillon ; à cette table sont assis les convives, sauf Juda. Le Christ est au milieu, trois apôtres sont à sa droite et quatre à sa gauche ; parmi ceux-ci, jean est assis à côté du Maître, sur la poitrine duquel il appuie la tête. En avant, seul Judas, presque de profil, tend la main vers le plat posé au milieu de la table et dans lequel se voit un poisson (1). La nappe, à ornementation losangée avec un point dans chaque losange, retombe en avant en petits plis. Le couvert se compose de deux hanaps, d’un plat et d’un couteau qui paraît analogue à ceux dont on se sert aujourd’hui. Outre le poisson, les mets consistent en une galette ronde et en deux moitiés d’une autre analogue.

 

L’expression et les poses des personnages dénotent un grand souci de la vérité et un espect des textes sacrés. La composition offre, en dépit des imperfections de détail et des maladresses dans le dessin, un sens de mouvement et une grande varité d’attitudes.

 

Jésus incline la tête à droite et appuie sa main gauche sur l’épaule de Jean. Les Apôtres se tournent vers lui, et semblent, de la main, esquisser un geste de dénégation. Deux d’entre eux tiennent une coupe en main. L’artiste a choisi l’instant où le Christe désigne celui qui le livrera (2).

 


(1) Le poisson symbolique ne se voit plus que rarement à l’époque gothique. A Laon, il figure également sur la table de la Cène ; c’est un lien de parenté entre les deux verrières.

(2) Cette pose effondrée de Judas est caractéristique ; elle peint, d’une manière réaliste, l’inquiétude et son remords naissant. Ces sentiments sont encore rendus plus sensibles au tympan de la porte principale de la cathédrale de Strasbourg. La Cène y est traitée d’une manière très comparable à celle de la peinture sur verre de Saint-Jean. Judas seul est accroupi en avant de la table, les autres personnages sont debout derrière elle.

à suivre…

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